jeudi 8 avril 2010

Crimes et châtiments

Un tireur fou sévit en Belgique, heureusement avec une carabine à plombs, ce qui fait qu’il blesse seulement ses victimes. On l’identifie. Que croyez-vous qu’il advint ? oui, vous avez deviné : rien. Depuis près d’un an.

Par contre, on vient de rappeler aux citoyens qu’il est obligatoire, sous les peines les plus sévères, d’afficher leur nom sur leur boîte aux lettres et sur la sonnette de leur porte d’entrée. Le motif de cette loi ? l’une des tâches les plus importantes de la police belge est de veiller à ce que la population soit dûment enregistrée au registre communal et cet affichage leur facilite la vie durant leurs patrouilles. Pourquoi ? parce que ce registre sert de base au calcul des recettes fiscales.

Si le tireur fou finissait par tuer quelqu’un, ce serait un contribuable de moins. Or, tuer un contribuable, ça, c’est grave, surtout en ces temps de déficits budgétaires.

L’amour du pouvoir

Le pouvoir rend fou, surtout ceux qui l’aiment. Une rumeur naît sur le couple présidentiel et hop, le bon sens disparaît. Un conseiller élyséen se met à tenir les propos classiques des régimes autoritaires en panne de popularité, dénonçant un sombre et douteux complot financier et menaçant on ne sait trop qui pour que la peur change de camp (sic). Un ministre à l’imagination fertile, lui, criait au complot international, rien que ça, contre la future présidence française du G20, un machin d’ailleurs totalement inutile (je précise que je vise le G20 pour éviter toute méprise, quoique, à la réflexion …) Plusieurs hiérarques regrettèrent que la technologie moderne permette à chacun de s’exprimer sans contrôle. Anastasie, reviens !

Là où cela devient moins drôle, c’est que la machine d’Etat se mit en branle, y compris les services secrets, pour enquêter, pour faire démissionner l’un des directeurs de l’entreprise qui hébergeait le blog coupable, pour faire porter plainte. Une contre rumeur fut lancée pour accuser une ancienne ministre qui avait déplu d’avoir trempé dans l’affaire, achevant ainsi de répondre par l’abus massif de pouvoir à une simple diffamation, qui pouvait se traiter selon les voies de droit normales.

Pour calmer le jeu, la Première Dame fut chargée de venir nous mentir à la télé, mais ce fut si joliment fait et avec tant de grâce que je suggère qu’elle revienne toutes les semaines pour nous parler des réussites de la politique gouvernementale.

Remarquez, il n’y a pas que le président. Tout détenteur, ne serait-ce que d’une parcelle de pouvoir, peut succomber à la folie. Ainsi cette dame, commandant de police, qui fait arrêter dans des conditions dignes d’une tyrannie les petits camarades qui avaient insulté sa fille aux abords de son école. Remarquez bien que de tels abus ne peuvent se produire que parce que le Chef pris d’une crise d’autorité trouve des subordonnés pour exécuter ses ordres ou aller au devant de ses désirs. Les coupables sont aussi les exécutants qui ont prêté main forte à une action manifestement fautive.

lundi 5 avril 2010

Ordre juste

Ségolène Royal a déposé l’expression « ordre juste ». Bon citoyen respectueux de la propriété d’autrui, je m’efforce de respecter ses droits. J’ai donc décidé de ne faire régner désormais autour de moi qu’un ordre injuste, en harcelant les faibles, en punissant au hasard les enfants, en me montrant infect avec mes collègues et plus généralement en molestant la veuve et en spoliant l’orphelin.
J’espère que personne ne déposera « ordre injuste », car il ne me resterait plus qu’à devenir anarchiste.

Des scientifiques, exaspérés par un de leurs collègues jouant les trublions, en ont appelé au pouvoir politique pour faire taire l’insolent et pour rétablir l’ordre juste. C’est amusant de voir comme il suffit d’un contradicteur obstiné comme Claude Allègre pour voir une communauté universitaire vouloir rétablir les arguments d’autorité académique et demander l’instauration d’un Ministère de la Vérité.
Personnellement, je suis un Luddite et je pense que l’Occident, ayant expérimenté l’instruction avec les désastreuses conséquences que l’on sait, ferait bien d’essayer l’ignorance. Cela aurait comme vertu annexe de soulager le déficit du budget de l’Etat en sabrant dans les crédits de l’éducation et de la culture.

L’ordre juste règne aussi en Belgique. Un tribunal a jugé qu’un malheureux, victime de plusieurs agressions, était en réalité coupable d’avoir provoqué ses bourreaux en habitant une trop belle maison dans la ville sinistrée de Charleroi et en conduisant une trop puissante voiture.
Ce jugement est intéressant dans ses conséquences, car pour respecter cette jurisprudence, il conviendrait de parquer les pauvres, par exemple à Charleroi, pour laisser aux riches le reste du pays. On établirait des barrages autour de la réserve pour empêcher les pauvres de circuler librement, ce qui fluidifierait notablement la circulation ailleurs.
Le bénéfice écologique de cette mesure serait encore accru si, pour éviter la prolifération des pauvres qui ont tendance à se multiplier comme des souris dans une grange, on organisait des safaris prophylactiques dominicaux dans la zone, genre chasse du comte Zaroff. Tout trophée rapporté par les chasseurs leur vaudrait un droit d’émission de CO² supplémentaire, proportionnel à l’économie faite en supprimant une paire de poumons superflus.